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Christkindel Cabochon - Le Chasseur de bêtises 

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Cela avait commencé précisément un mois avant Noël, dans un village de la région de Wissembourg, à l’extrême frontière avec le Palatinat.

Anna rentrait de l’école quand elle avait perçu le bruit la première fois : un cliquetis, un tintement de métal, en même temps très lointain et... juste derrière elle. Elle s’était retournée en sursaut, mais n’avait rien remarqué.
Rien d’autre que la rue.


Elle avait oublié l’épisode, et puis le bruit était revenu de temps en temps, sans prévenir. Elle avait questionné les copains, mais rien, personne ne savait de quoi elle parlait, ou bien ils faisaient semblant.
Est-ce qu’il pouvait s’agir... de Hans Trapp ? En d’autres termes, du Père Fouettard ? Une fois, elle avait entendu les « grands » en discuter à mi-voix, à la récréation. Elle s’était approchée pour écouter, mais elle n’avait pas pu

capter toute l’histoire : le bruit de chaînes s’était manifesté à nouveau. Elle avait pris peur et filé sans attendre la fin. Mais bref : d’après les « grands », Hans Trapp était une espèce de géant de deux mètres, spectral, couvert
d’horribles fourrures. Il secouait une poignée de chaînes de métal glacées et portait sur l’épaule un sac, un grand sac, un grand sac vide, un grand sac vide comme la faim.


S’il fallait croire les « grands » de la récré, Hans Trapp était un chasseur, un prédateur. Sa proie ? Les bêtises ! Et les enfants qui les commettent !
Anna secouait la tête : ça ne pouvait pas être Hans Trapp qui la hantait, pas elle ! D’accord, la semaine précédente, elle avait voulu faire à son chien une coupe à la mode. À présent, l’animal ressemblait à un coyote hirsute
et mal en point. Personne n’avait soupçonné Anna ; mais bon, ce n’était pas une grosse bêtise. Hans Trapp ne se déplaçait tout de même pas pour si peu !


D’accord, le mois passé, Anna avait un peu entrouvert les portes des cages à lapins. Les bestioles étaient parties en promenade et avaient dévoré toutes les fleurs du jardin. Personne ne l’avait soupçonnée ; mais ce n’était
pas là une grosse, grosse bêtise. Hans Trapp ne se déplaçait tout de même pas pour si peu !

 

D’accord, à la saison dernière, Anna avait jeté un peu de levure de bière dans la fontaine du village. Il y avait eu de la mousse, de la mousse et... encore plus de mousse ! De la mousse dans les rues, de la mousse jusqu’aux
toits. Personne ne l’avait soupçonnée ; mais ce n’était pas là une grosse, grosse, grosse bêtise. Hans Trapp ne se déplaçait tout de même pas pour si peu !


Le bruit de chaînes fantômes était apparu fin novembre. Depuis, Anna l’entendait de temps en temps. Elle repassait en mémoire son année, mais ne parvenait pas à trouver une énorme bêtise qui aurait pu attirer l’attention
de Hans Trapp.

Ce soir, c’était la veillée de Noël. Toute la famille d’Anna patientait joyeusement dans la Stub*, guettant l’heure de cueillir les cadeaux placés sous le sapin. Toute la famille d’Anna... sauf Anna : la petite fille, pour sa
part, restait dans un coin sombre de la pièce et observait l’extérieur, anxieuse.

 

À quelques minutes de minuit, une masse, une ombre s’encadra dans la rue. Elle avançait pesamment d’une maison à l’autre. La lumière de la lune traversait légèrement son corps épais, faisait briller les grosses fourrures
qui l’enveloppaient. Et un tintement métallique, lugubre, accompagnait ses pas.

Anna retint son souffle. Le personnage stoppa devant chez eux. Il passa magiquement la porte, car les portes ne l’ont jamais arrêté. Il monta lour­dement l’escalier, en secouant ses chaînes, à la recherche des plus énormes
bêtises... Il pénétra dans la Stub suivi d’un vent glacé. C’était lui, c’était bien lui, Hans Trapp, avec ses chaînes et son sac à enfants sur l’épaule. Toute la famille se regarda : que venait-il donc faire chez eux ? Il tendit lentement
la main vers le coin sombre de la pièce, où se cachait Anna. Il ouvrit la bouche ; il allait dire des choses terribles...
Et tout le monde put entendre, dans la rue, un grand bruit de clochettes, sonnailles* et grelots, comme produit par un joyeux traîneau. L’attelage s’arrêta, à son tour, devant la porte d’entrée.

​​

​Elle pénétra à son tour dans la pièce, la porteuse de couronne ; une belle jeune fi lle vêtue de clair, coiffée d’une torsade à l’ancienne mode et de quatre bougies allumées, qui éclairaient toute la Stub de la lumière de Noël.
En réalité, ce n’étaient pas des bougies, mais quatre étoiles radieuses. Et cette visiteuse n’était autre que l’Enfant-Christ, la Christkindel, l’autre per­sonnage de la légende ; la partie de l’histoire qu’Anna aurait pu apprendre
de la bouche des « grands », à la récré, si elle avait pu écouter jusqu’au bout. En effet, le Hans Trapp n’était pas seul à partir en tournée à la veillée de Noël. Lui, il sortait pour emmener les enfants qui avaient commis les
plus grosses bêtises. Mais il avait une collègue et adversaire, la Christkindel.

 

Elle aussi faisait sa tournée, et recherchait, pour sa part, les enfants sages.
Hans Trapp gronda contre la Christkindel, cette gêneuse qui se trouvait toujours sur son chemin.
— Eh bien, Hans, fi t celle-ci, tu avais quelque chose à dire à Anna ?
Hans Trapp agita ses chaînes infernales, mais elles ne rendirent qu’un petit grelottement tout mignon.
— Eh bien, Hans, tu avais quelque chose à offrir à Anna ?
Hans Trapp tendit la main, et il tenait un bout du feu de l’enfer, celui qui vous rôtit rien qu’à le regarder. Mais quand il le brandit vers la petite fille, ce n’était plus qu’un morceau de charbon.
— Eh bien, Hans, tu avais quelque chose à faire d’Anna ?
Hans Trapp voulut ouvrir tout grand son sac à enfants pour emporter la petite fi lle. Mais à cause du pouvoir de la Christkindel, le sac refusait de s’ouvrir : le nœud était à présent impossible à défaire !
Alors, ses armes rendues inoffensives, Hans Trapp prit la fuite de la Stub et disparut dans la nuit.
Tout ce qu’il pouvait encore, c’était hurler des injures et des menaces.
« La prochaine fois, Christkindel, dans la prochaine maison... »

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