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Jusqu’à la dernière feuille

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En ce temps-là, les châteaux étaient loin les uns des autres et les grandes forêts les séparaient. Les gens se déplaçaient à cheval ou en carriole, et pour aller d’un endroit à un autre, il fallait plusieurs jours. Il arrivait même que, quand la neige commençait à tomber, les gens décident de ne plus bouger, tout simplement, en attendant les beaux jours.

Cette année-là, l’hiver était arrivé tôt. Dès novembre, les premiers flocons avaient recouvert la campagne.

Dans un grand château près d’une rivière, vivait un seigneur généreux et très apprécié. Les gens du village aimaient à le saluer, car il avait toujours un mot gentil et un sourire pour chacun. Dans son château il y avait beaucoup d’enfants : les siens, ceux des cousins, les amis, les enfants des serviteurs… Ils étaient nombreux, joyeux, et couraient dans les galeries du matin au soir.

Un soir de décembre, alors que la neige n’avait pas arrêté de tomber depuis plusieurs jours, un messager arriva, transi de froid. Il venait d’un château voisin. Il avait parcouru des kilomètres sous la neige, dans un vent terrible, et la glace avait collé sa cape sur ses épaules. On le fit entrer, on le réchauffa près de la grande cheminée, et on lui servit une soupe brûlante.

Dès qu’il put enfin parler, il annonça que dans son château se préparait un grand Noël. On avait installé un sapin immense dans la grande salle des fêtes, et tout le monde décorait les branches avec des bougies, des fruits, des biscuits, des rubans… Il disait que ce sapin était si beau, si majestueux, qu’il valait la peine de venir le voir avant Noël.

Les enfants, émerveillés, supplièrent leur seigneur de partir voir ce sapin.

Mais le vieil intendant du château secoua la tête : les chevaux ne pourraient jamais tirer les charrettes sur des routes pareilles, la neige arrivait déjà jusqu’aux genoux, et la rivière commençait à geler. Le moindre déplacement serait dangereux, et personne ne voulait risquer de tomber malade ou de se perdre dans la forêt.

 

Alors, le seigneur dit :
« Puisque nous ne pouvons pas aller voir leur sapin, nous allons en faire un ici encore plus beau — et nous ferons un concours ! Nous offrirons à celui qui le décorera le plus joliment un cadeau extraordinaire ! »

 

Les enfants sautèrent de joie.

On choisit le plus grand sapin de la forêt, on le coupa, on le ramena avec peine dans la grande salle. Pendant les jours suivants, chacun imagina des décorations splendides : des pommes piquées d’amandes, des rubans teints avec du jus de betterave, des noix dorées à la cendre du foyer, des figurines en pain d’épices…

Le sapin devenait chaque jour plus beau. Mais il restait une branche très haute, tout en haut de l’arbre, que personne ne pouvait atteindre. Elle restait nue.

Un soir, alors que tout le monde dormait au château, un vieillard frappa à la porte. Il n’avait presque rien, juste une cape de fer, de la fourrure tout autour, le tout posé sur un cheval, et dans la main il tenait un petit sac. Le seigneur, malgré l’heure tardive, l’invita à entrer, à manger et à dormir.

Le vieillard regarda longtemps le sapin dans la grande salle, puis il dit simplement au seigneur :
« Ce sapin est magnifique. Il manque seulement une chose. »

Et il monta lentement, sans bruit, jusqu’à la branche la plus haute. Il sortit de son sac une feuille — une feuille d’arbre, mais d’or pur, fine comme une aile de papillon. Il la posa sur la branche nue. Puis il redescendit, remercia pour l’hospitalité, et repartit avant l’aube.

Le lendemain matin, les enfants découvrirent la feuille d’or qui brillait comme un soleil dans les branches.

Aucun d’eux n’avait jamais vu cela.

 

Ce soir-là, ils décidèrent que chaque année, ils garderaient une branche tout en haut, nue… jusqu’à ce qu’un visiteur, venu de loin, y dépose quelque chose. C’est ainsi que la tradition naquit : dans les châteaux, puis dans les maisons, puis dans les villes.

Et depuis ce jour-là, partout où l’on décore un sapin de Noël, il reste toujours une branche tout en haut que personne ne décore. Car peut-être qu’un voyageur mystérieux viendra, et déposera sur cette branche, jusqu’à la dernière feuille, un signe d’amitié — et de paix.

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